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LE MUSEE DE L'INTRANQUILLITE

 

CREATION THEATRE DU HANGAR, LIEU D'ART ET DE RECHERCHE, MONTPELLIER 2006. 

 

Cette installation visuelle et sonore  présente une collection d’objets autour d’une structure circulaire. Chaque objet, détourné de sa fonction habituelle et associé à d’autres, correspond à un fragment du Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa présenté sur un carton à l’usage des visiteurs. L’objectif est de décliner, à travers les objets, à travers l’organisation de l’espace comme un mandala (dont le centre serait un chaudron rempli de liquide tourbillonnant) les différentes facettes de l’« intranquillité » décrite par Bernardo Soarès, narrateur et hétéronyme de Pessoa, qui voit les rues de Lisbonne dans l’entre-deux de sa conscience, dans le demi-sommeil ou le demi-éveil de l’insomniaque qu’il est. C’est ce regard « autre », ce « regard étranger », qui se veut mise en interrogation du réel, qui a été mis en espace. La démarche négative est au centre du processus textuel et plastique puisqu’il s’agit de rendre palpable ce qu’est cet état de manque, que Pessoa nomme à l’aide du néologisme « desassossego », traduit en français par « intranquillité ».

« Nulle paix, non, mais pas davantage-hélas ! – le moindre désir de la connaître », écrit le narrateur. C’est la description d’un état de conscience fulgurant qui a servi de point de départ à l’installation : « Je suis parvenu, subitement, aujourd’hui, à une impression absurde et juste. Je me suis rendu compte, en un éclair intime, que je ne suis personne, absolument personne ».

L’espace de l’installation plastique est construit selon la logique d’une « géométrie de l’abîme ». L’écriture fragmentaire qui est celle du Livre de l’intranquillité, peut s’interpréter comme une errance entre deux infinis, dans un mouvement permanent de tourbillon. L’installation s’organise en univers miniatures autonomes, à partir d’objets étranges ou banals  qui correspondent de manière précise à des fragments textuels décrivant des figures du monde intime du narrateur. En ouverture du spectacle, les spectateurs sont invités à déambuler sur un sol balisé de passerelles à la topographie perturbante, et dans une position de surplomb, voire de vertige, par rapport aux théâtres miniatures qu’ils découvrent. Effets d’optique, éclairages crépusculaires, sons entremêlés visent à produire un vertige. Bruits de la rue, bruits du monde, gammes de piano, rafales ou goutte à goutte de la pluie, des centaines de sons combinés, sortis de la plume de Soarès, se côtoient dans cet espace. Vertige du rien, de la présence-absence suggérée par les objets. « Je suis une étagère de flacons vides », écrivait le narrateur. Provoquer le regard par les obstacles mis à la compréhension.

 

Les photos du "Musée de l'intranquillité" sont de Marc Ginot.

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