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PIECES NON PUBLIEES

Dans cette rubrique il ne s'agit pas d'exposer les chantiers  de pièces ou de textes dramatiques (ils sont trop nombreux) mais de garder une trace des textes qui ont été portés devant un public, soit à travers une mise en scène professionnelle (Realitarium), soit à travers une mise en espace (L'Ascension du Mont Ventoux).

Si ces deux pièces n'ont pas été publiées, c'est parce que l'auteure ne les a pas jugées encore suffisamment abouties et n'a pas souhaité les soumettre à la publication.

REALITARIUM

 

EXTRAIT. Texte d'ouverture du spectacle.

"ZORRO"

 

La ville grince Il est trop tôt encore

Les tuiles volent

La ville s’abandonne

Les feuilles font des cercles

La gare  est veuve

Plus de contrôleurs

Plus de hauts parleurs

Plus de trains

Les gens attendent

Visages familiers

L’un lit le Phédon

L’autre Andromaque 

Chacun pour soi Ils préparent un concours d’entrée

 Entrée pour nulle part

Il n’y a plus de concours

 Les comédiens se taisent

Trois cyprès se couchent brutalement sur la rue

 Lumière bleue Le ciel vrombit

Je prends un caillou sur le nez

Il fait nuit, mais cette nuit n’a pas de caractère

Ça pourrait bien être le jour

La ville grince Il est trop tôt encore

 

Premières sirènes Rues vides Il pleut 

Tout le quartier s’éteint

 

En été, j’avais cru arriver à la mer

Il faisait chaud, et nuit Les arbres menaçaient de tomber

Je m’en souviens

J’avais crié

La palissade me semblait annoncer les prochaines dunes

Un pas à faire Et tant d’eau

Je m’étais élancée nue L’immensité

 

Le moteur du ciel s’est arrêté

Seul le vent gronde

Il prend son temps surtout

Les feuilles mouillées s’affolent

Je m’endors

Mille cliquetis s’élèvent

Rumeur de monde en colère

 

En été j’avais cru arriver à la mer

J’aurais dû partir avec toi

Nous nous serions compris à millièmes de mots

 

La ville grince Il est trop tôt encore

 

Pour le plus gros de la tempête

Quand elle sévira vraiment je dormirai

Le ciel vrombit de nouveau

Le bruit se déplace

Il semble être partout à la fois

Comme la boule de la foudre

On dirait qu’il cherche à se poser

 La ville était maussade ce matin

Presque lugubre

Le soir il y a eu ce calme

Ce calme imposant d’avant les tempêtes

Je ne sais ce qui m’attire dans tout cela

Peut-être le sentiment de la fragilité de l’existence

J’étais sous la pluie immobile dans mon manteau

 Sur un seuil entre intérieur et extérieur

Morte de fatigue et le bas du dos criant merci

 

En été j’avais cru arriver à la mer

 Je demande à la tempête de me bercer

Par moments les feuillages sifflent et battent l’air

Pendant ce temps Il y en a qui regardent la télé

Oublieux de tout.

Zorro. 

Un cavalier qui surgit hors de la nuit

Court vers l’aventure au galop

Son nom il le signe

A la point de l’épée

D’un geste qui veut dire Zorro.

 

L'ASCENSION DU MONT VENTOUX

 

La pièce fait référence à la fois au Tour de France et au très beau texte de Pétrarque où il raconte un épisode d'illumination.

Une partition pour jeunes acteurs (3 femmes, 2 hommes)

Témoignage générationnel d'un groupe.

 Il est question de la naissance du sentiment amoureux.

Une quête d'identité en forme de jeu de massacre.

La pièce traite des représentations de l’amour dans un contexte post-soixante-huit, à une époque de déperdition des utopies. Cinq personnages, trois filles (Rita, Louise, Marilou) et un garçon (Serge), se retrouvent au sommet du Mont Ventoux pour jeter les cendres des restes de l’un d’eux, Pierre, disparu sur les lieux dans des circonstances inconnues. Pierre avait collecté leur histoire commune, histoire d’amitié et d’amour chaotique, dans un cahier bleu. Louise, a réécrit l’histoire, une histoire qu'ils vont ‘liquider' ensemble.

Le dispositif est construit autour d’une parole quasi-enfantine, témoignage générationnel d’un groupe qui se cherche en rêvant de s’inscrire en modèle, mais pour aboutir au fiasco, à l’incomplétude, au malentendu. Les personnages sont tous des « pas finis », ce qui génère ruptures de tons, effets de surprise. De leur démesure, de leur naïveté naît aussi parfois une forme de comique.  Toute la pièce repose sur la convocation d’un récit venu du passé et qui donne lieu à des atmosphères contrastées : des épisodes festifs, des rituels dérisoires, des scènes d’un comique mécanique, comme si les personnages étaient les pièces d’un jeu dont les règles sont mouvantes ;  on trouve  aussi des épisodes décalés où le fantôme de Pierre refait surface ; enfin des épisodes documentaires où il est question de  carnets de voyage, pour revenir au Mont Ventoux, à travers le Tour de France et  la topographie singulière du lieu.

 

Lecture en espace : RING/ Conservatoire de Toulouse

 

Le texte  a été donné en lecture théâtralisée avec 6 jeunes acteurs, au Ring à Toulouse, en partenariat avec le Conservatoire de Toulouse, le 26 mai 2013, à l ‘issue d'un cycle d’ateliers menés par Lydie Parisse et Yves Gourmelon

Avec Cati Demiguel, Manon Gorra, Guillaume Miramond, Morgane Nagir, Nadège Rossato, Romain Verstraeten-Rieux.

Extrait (fin acte IV et début acte V)

SCENE SIX.

Rita. – Peu importe ce qu'on gagnait à l'époque, il s'agissait uniquement de jouer.

Sergey. – D'avancer les bonnes pièces

Rita. – De vaincre, de se vaincre, de remporter la victoire.

Sergey. – De refuser de perdre, quelque soit la rançon de la victoire.

Rita. – Ce qui était en jeu n'avait aucune importance.

Sergey. – Au fond, gagner revenait à perdre.

Rita. – Gagner !

Louise. – Perdre !

Sergey. – S’enfoncer.

Rita. – Gagner !

Louise. – Perdre !

Sergey. – Sentir.

Rita. – Gagner !

Louise. – Se perdre !

Le Cahier bleu. – Acte cinq.  Ce dimanche, le Tour de France est passé par le Mont Ventoux. Maintenant nous sommes au quatorzième siècle. Pétrarque fait l’ascension du Mont Ventoux. A pied.

 

ACTE CINQ

 

SCENE UN.

Le Cahier bleu – A l'époque il n’y avait ni vélos, ni routes ni voitures, Pétrarque, il fait l'ascension accompagné de son frère et de deux serviteurs, lui qui a tant pensé l'amour, lui hanté de sa Laure.

Rita. – En montant, il songe tantôt aux choses terrestres, tantôt aux sommets.

Sergey. – Il a décidé de cette promenade pour se changer les idées.

Le Cahier bleu. – Mais le chemin n'est pas direct pour monter au sommet, on se perd dans des sentiers.

Sergey. – Quand on croit monter on descend.

Rita. – Quand on croit descendre on monte.

Le Cahier bleu. – Ils sont partis à l'aurore et la journée est déjà bien avancée, la fatigue commence à gagner, et la promenade devient brutalement un enjeu sérieux, faut-il continuer à monter ?

Sergey. – On décide de continuer, on se perd à nouveau dans des sentiers, on doit redescendre à plusieurs reprises dans la vallée.

Le Cahier bleu. – Il aimerait pouvoir monter quand il le veut, descendre quand il le souhaite.

Louise. – Mais la nature n'a pas décidé de se plier à la volonté humaine.

Sergey. – Il n'a plus qu'un but, atteindre le sommet, comme le but de toute chose, celui vers lequel ses pas, tous nos pas doivent être dirigés, mais que faire si la volonté n'y suffit pas ?

Rita. – Retourner dans la vallée, prendre le chemin circulaire, on voit tout très bien d'en bas.

Louise. – Impossible. Pour lui, le sommet est la seule voie de salut. Si vouloir ne suffit pas, il va falloir trouver autre chose.

Sergey. – Un téléphérique ?

Louise. – Le désir. Le désir dans l'anéantissement de la volonté.

Le Cahier bleu. –Il arrive enfin au sommet, à ses pieds...

Rita. – Les Alpes, la Méditerranée, etc.

Louise. – Trop tard, le soleil commence à décliner, tout ce spectacle pour rien, il est déjà temps de redescendre.

Rita. – Nous aussi il faudrait qu'on pense à redescendre, qu'en dites-vous ?

Le Cahier bleu. – Alors, Pétrarque ouvre au hasard une page des Confessions d'Augustin : " Dire que les hommes vont admirer les cimes des montagnes, les vagues de la mer, le vaste cours des fleuves, les circuits de l’Océan et le mouvement des astres et qu’ils s’oublient eux-mêmes." Il se sent dépossédé et il réalise qu'il vient de découvrir, non pas un paysage, mais un point de l'esprit.

Le Cahier bleu. – Ils prennent le cahier bleu et le réduisent en cendres.

Rita. – La nuit tombe. Descendons.

EPILOGUE

Rita. – Te voilà, où étais-tu passée ?

Marilou. – Il fait froid, tout ce vent, la nuit qui tombe, je n'en peux plus.

Louise. – Les nuages réapparaissent, rouges. La lune revient.

Sergey. – Nous sommes venus à bout du cahier bleu.

Rita. – Mission accomplie. Nous avons jeté les cendres au sommet du Mont Ventoux.

Marilou. – Sans moi ?

Sergey. – C'est ce qu'il souhaitait, n'est ce pas ? Être réduit en cendres.

Rita. – Depuis toujours il n'aspirait qu'à être jeté ici, dans le vide, réduit à néant.

Marilou. – Il voulait mourir jeune.

Louise. – De lui, ici, on a retrouvé une basquette.

Rita.– Une basquette blanche.

Sergey.– Et le cahier bleu.

Marilou.– Grâce à nous Pierre continuera à vivre.

Rita. –  Mission accomplie.

Sergey. – Nous avons lu le cahier bleu, nous l'avons lu comme nous avons pu, il manquait des pages, il manquait des personnages, nous nous sommes débrouillés.

Louise. – C'est moi qui ai dû tout réécrire, c'était brouillon, sans queue ni tête.

Marilou. – J'aurais pu t'aider.

Rita. – Le cahier bleu, dossier classé, faire son deuil, c'est ce qu'il souhaitait n'est-ce pas ?

Marilou. – J'ai toujours honte tu sais.

Sergey. – Ici, en journée, c’est l’été, sec et impitoyable.

Louise. – Ce matin dans ma chambre blanche, couchée dans le lit, j'étais perplexe face à cette nouvelle journée qui allait venir. Je me retournais dans mes pensées.

Marilou. – Dans la bouche, un goût amer et fade à la fois. Un goût qui ressemble autant à l’espoir qu’à la peur du vide.

Rita. – Les cigales. Impossible de sortir l’après-midi.

Louise. – J'entendais une voix venue de loin, qui devenait de plus en plus proche, elle s’adressait à moi, elle articulait mon prénom. Louise.

Le Cahier bleu. – Dans certains pays, on considère qu’il est de mauvais augure d’entendre prononcer son prénom par une voix venue de nulle part, on considère que cela annonce une mort prochaine.

Marilou. – Cette voix te pressait et t’enveloppait.

Louise. – Une voix chaude, impossible à rattacher à quelqu’un de connu, c’était peut-être ma voix, peut-être une autre voix, je n'aurais su le dire...

FIN

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