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LA MATRICE 1. LE TEMPS DES MUSONS

LA MATRICE 1. LE TEMPS DES MUSONS est un spectacle qui met en scène un duo de muses, mais pour réviser les mythes des muses et inviter à une relecture des siècles passés. La matrice I, c’est aussi et surtout une histoire d’amour : Loute a perdu son premier amour, Pierre, évanoui dans une pièce inconnue de la maison. Elle doit apprendre à vivre à partir de  cette disparition. Le texte est construit autour d’une remémoration, où la fiction se mêle à la réalité, où les absents sont plus présents que ceux qui sont là, où la mémoire individuelle est liée à la mémoire collective, où on traverse les grandes catastrophes du XXe siècle, où se met en place, dans le manque, la matrice de nos désirs....la matrice de nos pulsions créatrices... Sur le plan scénographique, la scène reproduit les cellules d'habitation de la maison de  Loute (cuisine, salle de bains, atelier) tout en privilégiant l'espace hors-scène où Pierre à disparu : Maurice, un voisin, y évolue, tandis que la concierge, Madame Poutre, répond à l'interphone. Il semble que dans ces sous-sols se fabrique un androïde, le premier muson. 

Avec Claire Engel, Yves Gourmelon, Jérôme Lagarre, Julie Pichavant, Pierre-Jean Peters.

 

Les photos sont de Ferdinand Fortes et Eitans.

 

Liens vers le taser du spectacle

https://vimeo.com/19246836

« Quand Lydie Parisse s’amuse. »

 

Il y a peu de femmes à al fois auteure et metteure en scène à Montpellier dans un monde théâtral par ailleurs sous domination masculine. Aussi Lydie Parisse forme une bien curieuse et stimulante exception. Lorraine d’origine, cette intellectuelle rieuse, professeure à l’université de Toulouse le Mirail, et auteur de pièces et d’essais sur le théâtre, impose désormais sa présence. Portée depuis plusieurs années par sa complicité avec le metteur en scène Yves Gourmelon, ele publie La Matrice 1. Le temps des musons : une pièce qui a été présentée du 27 avril au 7 mai à La Chapelle.

Au masculin, muse se dit « muson ».

Une pièce : le terme est impropre la concernant. « Plutôt un texte, et une expérience totale », précise cet auteur radical, cet « électron libre » qui refuse la narration, ou toute autre forme convenue de représentation. Qui traite l’espace scénique comme une matière plastique vivante. Les scènes se succèdent dans une étrangeté totale, focalisées autour d’objets éloquents : un monoplace des débuts de l’aviation, une baignoire…

Le sujet, tout autant que la forme, relève d’une recherche décapante, foncièrement contemporaine. Dans La Matrice 1 (qui appelle quelques suites), une femme mariée à un ingénieur en aéronautique, campée dans la banalité d’une cuisine en formica, et qui, comme toute femme ordinaire, est aussi traversée par les douleurs collectives (« J’ai vécu le Liban quand les chrétiens ont tout tué dans un court périmètre ») invente le concept de muson.

« Au masculin, muse se dit Muson. Quand le monde aura vraiment changé, on parlera des MUSONS, offrant leur corps, leur grâce, à l’opération de l’oeuvre, au féminin». Tandis qu’Yves Gourmelon parle à travers une vidéo depuis le sous-sol de la Chapelle, Claire Engel, superbe actrice, décidément, conduit la métamorphose jusqu’à une première créature bien roulée s’exprimant dans la langue de Goethe !

C’est un spectacle assez fascinant, assez déroutant. Jamais austère : il ne manque ni d’humour, ni de chair. Lydie Parisse s’y montre pleinement. S’y amuse follement. Préférant parler d’ « inversion ludique » plutôt que de manifeste féministe.

 

Valérie Hernandez, La Gazette de Montpellier, 13 au 17 mai 2010

 

"Puissante ubiquité de la création féminine" 

"Je n'aime pas la fiction. Tout doit être réel, provenir de la vie bien réelle", affirme Lydie Parisse qui porte son troisième texte à la scène à la Chapelle. La Matrice I, sous-titrée Le temps des musons, apparaît comme une pièce maîtresse dans le parcours d'une oeuvre foncièrement contemporaine, entreprise créative, à la fois accessible et très vaste. La recherche d'écriture théâtrale de l'auteure met en question le rapport au public à travers l'exploration plastique et les espaces multiples de perception possible.

 

La pièce évoque le quotidien banal d’une femme. Une de ces femmes sans histoires auxquelles il n’arrive jamais rien. Dans l’espace caricatural de sa cuisine, Loute est la muse et la compagne de Pierre. Loute est aussi un être mythique omniprésent qui est en tout endroit et en tout moment. Elle épouse, comme une éponge infinie, la mémoire collective de tous les temps, mémoire fragmentée par les cauchemars de son siècle, fruits morbides d’illusions masculines. Pierre a disparu dans une pièce inconnue de la maison Phoénix sans fondation. Il n’est plus là, et Loute le recherche. Elle souffre, peine à réaliser ce qui lui arrive. Par moments, elle s’en moque, se libère, rit, se remémore et réinvente le passé, avec sa sœur, incandescente Melpomène. 

La pièce ouvre et referme de courtes séquences  vidéo, chantées et chorégraphiées. Ce parti-pris de mise en scène, qui fait appel au hors-scène, spatial et temporel, renforce efficacement la dimension spectrale et onirique. Tous les personnages masculins peuplent cet univers du dehors. Peut-être même que Pierre n'a jamais existé.

Face à l'absence, c'est aux spectateurs qu'il revient de donner forme à l'émotion. Dans cet esprit, la comédienne Claire Engel (Loute) s'impose dans un rôle d'une grande difficulté. Les deux femmes sans âge passent de l'indétermination à la détermination qui les entraîne sur les traces historiques et spirituelles de l'alchimie magique féminine.  Dans une salle de bain que n’aurait pas renié Sappho ou Lucrèce, elles  inversent le mythe des muses pour donner naissance aux musons.

Mais s'il présente de réjouissantes perspectives, cet artifice nourrit l'étrange sans clore l'espace des possibles. Lydie Parisse construit sa pièce sur une succession de glissements vers une tendre et violente mise en lumière du désir. Un hommage à la création au féminin, dont la beauté et la cruauté n'en finissent pas de fasciner, comme la lumière du jour filtrant les persiennes au matin d'un jour nouveau.

Jean-Marie Dinh, L'Hérault du jour, 30 avril 2010

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