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CHAMBRES d'ECOUTE

L'installation "Chambres d'écoute", créée à la galerie Open Space à Sète en mai 2019, donne lieu à divers prolongements :

 

- Une performance musicale "Chambres d'écoute" donnée au Minus Jeden à Gdansk (Pologne), lieu de musique expérimentale, le 13 juin 2019, textes et performance Lydie Parisse, musique Tomasz Swoboda.

 https://vimeo.com/346006830

- Des formats exposés dans deux expositions collectives à Sète et Montpellier en décembre 2019.

Une "page noire" sera visible au CIAM  à Toulouse jusqu'au 13 décembre lors de  l'exposition "Presque rien" imaginée par Jérôme Carrié. Et deux séries de dessins petits  formats dont une série de reliquaires seront visibles et achetables pour des cadeaux de Noël à (ès) Art Factory à Montpellier jusqu'au 24 décembre.

https://ciam.univ-tlse2.fr/accueil/navigation/art-contemporain/presque-rien-669933.kjsp?RH=arts_plastiques

Lydie Parisse

CHAMBRES d'ECOUTE

INSTALLATION-LABORATOIRE d'ECRITURE

du 1er au 25 mai 2019 

vernissage samedi 4 mai à partir de 18 heures

OPEN SPACE galerie d'art  

8, Rue Garenne 34200 SETE

openspacesete@gmail.com

openspacesete.com

 

Video, dessins, objets, meubles-poèmes

30 poèmes (en lire quelques-uns au bas de cette page)

Lien vers la vidéo de l'installation (teaser)

https://vimeo.com/339972236

Lien vers la visite guidée de l'installation 

https://vimeo.com/338882783

Lien vers un article de Hervé Leblanche

www.facebook.com/Lydie-Parisse-427666004044462

http://thau-infos.fr/index.php/commune/echos/53370-chambres-d-ecoute-a-l-open-space-de-sete

Liens vers Open Space 

https://lartvues.com/exposition-lydie-parisse-du-1er-au-25-mai-2019-a-la-galerie-open-space-a-sete/

 

« Tout humain porte une chambre en soi-même »

 

(Jeder Mensch trägt ein Zimmer in sich)

Franz Kafka

 

Quand j’ai eu une chambre à moi, j’ai commencé à écrire. Quand j’ai eu une chambre à moi, j’étais encore petite, la chambre était juste à côté de la forêt, j’ai ramassé des feuilles de chênes, j’ai écrit dessus, dessiné dessus, puis j’ai continué sur des feuilles de la papeterie, il y a eu des livres-poèmes, des portes-poèmes, des meubles-poèmes, j’ai tout caché dans le mur de ma chambre. 

L’installation « Chambres d’écoute » se veut une invitation à explorer nos espaces intérieurs, à nous demander ce que pourrait être, pour chacune et chacun d’entre nous, notre chambre véritable.

https://www.lydieparisse.com/chambres-en-projet

https://www.la-marelle.org/author/lydie/

https://www.lydieparisse.com/marseille-frac-5-novembre-2017

 

MARSEILLE (RESIDENCE LA MARELLE)

Ce que la caméra voit de moi, c’est ce que je ne pourrai jamais voir,

La caméra peut voir ce que je ne vois pas

Elle ne peut pas voir ce que je vois

Ce que la caméra voit du paysage ce n’est pas ce que je vois, ce que je vois je suis seule à le voir

Ce que chacun voit, chacun est seul à le voir

Chacun est seul à sa fenêtre, unique  

 

lien vers La Marelle

http://www.la-marelle.org/chambres/

"Chambres" était mon projet de résidence à la Marelle en 2017-18. Il a été inauguré par la présentation de l'installation "La Chambre du cercle 1" au FRAC PACA. Mais la recherche avait déjà commencé avec la déambulation théâtrale et plastique L'Encercleur I (2007) et L'Encercleur II (2015). Pour le projet Chambres, il ne s'agit pas de filmer des chambres pour elles-mêmes, mais de chercher comment chaque chambre possède une fenêtre différente sur le monde extérieur. Je suis assise sur un lit, ou une chaise, je regarde par la fenêtre, de dos. Personne ne pourra jamais voir ce que je vois et comment je le vois, y compris celui qui me filme derrière l'objectif de la caméra.

 

La chambre évoque le lieu du for intérieur, le lieu du retrait, le lieu du cœur dans la tradition spirituelle, comme le rappelle le philosophe Jean-Louis Chrétien dans L'Espace intérieur : elle est l’image de « l’identité personnelle de l’homme, le noyau de son être, incluant aussi bien l’intelligence que la volonté ». La chambre est  l’espace intermédiaire entre l’intériorité et l’extériorité, elle est cette zone tampon entre le dedans et le dehors, mais un espace vide, un lieu où toutes les prérogatives du moi ont été abandonnées pour se préparer à accueillir l’extériorité radicale. :   « J’ai dit souvent que  tout le malheur des hommes  vient d’une seule chose,  qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ».

Je pense au « petit bruit lointain » qui plonge le narrateur de Premier amour de Beckett dans « l’enfer des ignorances ». Il me rappelle l’inquiétude et l’effroi provoqués par la chute de ce qu'un autre narrateur , celui des Cahiers de Malte Laurids Brigge de Rilke, suppose être un couvercle de boîte en fer blanc dans la chambre de son voisin. Or, la chute de cet objet invisible, provenant d’un appartement voisin, entraîne  pour lui dans sa chute tout le monde visible, dans un abîme infini qui « entraîne tous les êtres, et dieu lui-même ».

Je pense à la chambre du petit Proust dans la maison de Tante Léonie à Illiers-Combrai. Proust écrivait :  « Tout est fictif, laborieusement, car je n’ai pas d’imagination. Mais tout est rempli d’un sens que j’ai longtemps porté en moi, trop longtemps, car ma pensée l’a oublié, mon coeur s’est refroidi et j’ai façonné difficilement pour lui ces gauches conduites qui l’enferment mais d’où la chaleur émane ». Quand on entre dans la chambre du petit Proust à Illiers-Combrai, on comprend  qu'on ne pourra jamais voir comme il voyait depuis  son petit lit d’enfant chez tante Elisabeth, que  cette chambre ne nous  révèlera pas le mystère de l’œuvre, on  beau scruter le jardin et l’orangeraie en contrebas. Mais il suffit peut-être  d’une fausse cloison dans la chambre, et d’un frère qu’on veut ignorer, pour se lancer à la recherche d’une pensée de la totalité du monde. La littérature sera le chant de la fausse cloison fissurée, elle fera écho aux images projetées le soir dans la pénombre de la chambre, sur la lanterne magique. Un livre préféré sur la table de nuit, François le Champi. Depuis l’antre du lit à la couverture piquée de coton rouge sombre, toutes les anciennes chambres d’enfant aux tapisseries fanées ressemblent à celle-ci. Jusqu’à la commode Louis Philippe de marbre noir qui soutenait une maquette de château en carton dans ma chambre d'enfant autrefois. Monde en voie de disparition. Près du lit, une petite chaise d’enfant tapissée de velours. Des rideaux de cretonne blanche. L’écrivain à sa vraie taille dans le petit lit monoplace, l’écrivain à sa taille très petite, étouffée d’anecdotes dans le discours de la jeune guide du musée. Comment, depuis ici, depuis ce nœud, ce sentiment d’inadhérence au monde a pu naître chez le petit Proust. Et cet appel de l’amour, de la mémoire, comme un puits sans fond.

J’ouvre un page au hasard de François le Champi posé sur la table de chevet : « Il rougissait comme une fille quand cette femme lui parlait, et il se sentait mal à son aise. »Chacun voit le monde depuis sa fenêtre, et sa fenêtre est unique. Quand une personne disparaît, c’est une fenêtre sur le monde qui disparaît, c'est Jean-Luc Parant qui le dit.

Je pense aussi aux chambres qui n'en sont pas. Un photographe avait publié dans un journal un cliché de chambre de réfugiés dans un centre d'hébergement. On y voit quelqu’un qui est assis de dos, à contre jour, sur un lit, il regarde par le verre opaque d’une fenêtre carrée, c’est un enfant, on leur a dit, au terme de votre voyage on vous a donné une chambre, une chambre pour le père, la mère et l’enfant, cette chambre ressemble à toutes les chambres, elle a tout ce qu’il faut, des murs une fenêtre, un lit, du chauffage, des sanitaires, et pourtant ce n’est pas une chambre, écrit le journaliste, ce n’est pas une chambre, le petit réfugié qui est là, assis sur le lit, n’a pas l’impression de se trouver dans une chambre, pourquoi ? qu’est-ce qu’une chambre ? Ce n’est pas un endroit pour dormir ? ce n’est pas un endroit pour lécher les blessures faites par le dehors ? ce n’est pas un endroit pour se reposer, ou pour seulement rêver du futur ? ce n’est pas un endroit pour baisser la garde, enfin ? ce n’est pas un endroit pour vivre ? de jour comme de nuit ?  pouvons-nous regarder, ne serait-ce qu'un instant, par ces fenêtres-là, ces fenêtres opaques  de ceux qui migrent pour échapper à la mort mais sans savoir s'ils vont retrouver la vie ? 

Lydie Parisse

 

Les photos noir et blanc qui suivent sont de Sabine Chalaguier.

affiche open space def.jpeg

Dans ma chambre d'écoute il y aurait

Le petit bruit lointain

Des objets invisibles dans les appartements voisins

Il y aurait toutes les vies qu'on ne  connaît pas

Le dedans serait le dehors

Le dehors serait le dedans

Et je serais la cloison

Dans  ma chambre d'écoute il y aurait 

Toutes les chambres des échoués

De ceux qui se demandent s'ils sont bien arrivés

Dans une chambre

Quand ils regardent le verre opaque 

D'une fenêtre carrée

Cette pièce aurait tout d'une chambre

Quatre murs, une fenêtre et un lit

Et pourtant nul n'aurait l'impression 

De se trouver dans une chambre.

Dans ma chambre d'écoute il y aurait

Toutes les insurrections

Les voitures brûlées

Les barricades qui passeraient en boucle

Et je voudrais leur parler

Et j'aurais de la chance

Dans ma chambre d'écoute il y aurait

Un dieu sauvage totalement impalpable

Qui produirait richesse ou déluge 

Il se serait trompé dans ses formules

Toutes ses bases de calcul seraient fausses

Ce nouveau dieu ne demanderait pas seulement

L'obéissance à une fatalité aveugle

Mais notre soumission

Ce dieu sauvage ce ne serait pas moi

Ni vous

Ni personne

Dans ma chambre d'écoute il y aurait

Un film en noir et blanc

Où une éléphante triste erre près d'un chapiteau

Où des anges traversent les murs 

De l'épicentre du mal

Où on voit comme l'enfant voit pour la première fois

Où le poème se mue en genèse de ma vie

Où le monde d'après sera vu en couleurs

Où la mélancolie des poètes passe

Dans le rock Mitteleuropa

Dans les rock littéraire 

Des squatts et des friches

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